Carte postale représentant le « Jacques Louise » à la mer, dans les années soixante (Peinture exécutée pour Jean Fiant et son équipage par un auteur inconnu).
Lorsqu'à Grandcamp, un soir de septembre 1995, je me retrouvai devant Jean Fiant, le père du « Jacques Louise » celui-ci me recommanda l'humilité. Nous nous trouvions, à ce moment, dans la salle à manger de sa maison. Sur la table, à côté de lui, étaient posées les archives du « Jacques Louise » qu'il me confiait et ses derniers livres de bord qu'il me donnait.
Je mesurais pleinement ce que cela pouvait contenir de courage, d'efforts, de joies et de détresse et je pensais à ceux qui s'étaient succédés sur le bateau, de Daniel Lefèvre, miraculé à Dieppe après une chute de 10 mètres dans le port, à Michel Le Moal, le Breton de service et terre-neuvas, alias « joli cœur »... les différences ne touchaient pas au fond, mais à la forme. La pâte humaine était identique. C'était ça, le « Jacques Louise ».
Jean Fiant savait bien que le savais, il eu avait eu besoin de me le rappeler.
Photo du lancement du « Jacques Louise » aux chantiers Bellot, dans l'avant-port de Cherbourg (© Jean-Marie Lezec).
La première vie du « Jacques-Louise »
L'épopée (le mot n’est pas trop fort quand on est pris dans des creux pouvant atteindre quinze mètres, sans protection sur le pont) du « Jacques-Louise » s’inscrit dans la grande période de la pêche au large, celle de l’après-guerre. Le port de pêche de Cherbourg comptait, à cette époque, plus de cinquante chalutiers hauturiers appelés classiques, autrement dit à pêche latérale. Ils étaient équipés de deux potences sur chaque coté, pour supporter les chaluts. Ces bateaux comprenaient un équipage composé de huit à neuf marins. La durée des sorties en mer était, normalement, de cinq jours en hiver pour dix en été. On pêchait toutes les espèces de fond (trente-cinq au total) à savoir : morues, lieus, raies, encornets, roussettes, etc. La quantité des prises du « Jacques-Louise », en une seule marée, s’échelonne de deux à… trente-neuf tonnes de poissons. Les chalutiers cherbourgeois partaient, comme aujourd’hui, jusqu’au canal Saint-Georges (Sud-Irlande).
« Jacques Louise » avait été construit par les chantiers Bellot à Cherbourg, et lancé en 1959, pour servir à la pêche le premier septembre.
Trois années plus tôt, dans une forêt de l’Orne, Jean Bellot et Jean Fiant étaient allées choisir et marquer leurs chênes, lesquels, après séchage, formeraient la coque et assureraient sa rigidité. Ensuite la réalisation avait été entreprise et réalisé par référence à un plan comportant la mention « chalutier en bois ». Le premier patron était de petite taille, la hauteur des plafonds était peu élevée, aussi bien dans la « chambre » du capitaine que dans le gaillard d’avant où tout le monde devait s’employer… et le chêne (et surtout celui de l’Orne, semble t-il) est particulièrement dur !
Les marins-terriens du « Jacques-Louise »
Conçu pour la pêche latérale, le « Jacques Louise » a été désarmé en 1991. Ce type de métier étant devenu dépassé.
Après épuisement du gazole qui se trouvait dans les cuves et sans doute par hasard, le moteur (puissance 650 cv) s'est arrête de tourner le vingt-deux novembre 1995, soir le jour précédent sa cession par la CAPAM (Coopérative d'Armement des Pêcheurs Artisans de la Manche) pour le franc symbolique.
Le dernier chalutier en bois et ancien ruban bleu conservé dans sa bonne ville de Cherbourg restera à flot, pour témoigner. Son équipage sera par la force des cho...
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