Le groupe Magène : Théo Capelle (chant), Manuela Lecarpentier (accordéon chromatique), Jean-Louis Dalmont (guitare), Dany Pinel (contrebasse) (© Magène).
Magène c’est le groupe phare de la chanson normande, c’est lui qui est resté allumé pendant plus de 20 ans pour montrer le chemin dans la tempête qui balayait la culture régionale. Aujourd’hui Magène est toujours là et d’autres suivent sa voie avec leur propres particularités. Rencontre avec Jean-Louis Dalmont et Daniel Bourdelès.
Jean-Louis Dalmont faisons une rétrospective. Rappelez-nous la genèse du projet et le chemin parcouru !
Jean-Louis Dalmont : Jean-Louis Daniel est mieux placé que moi pour parler de la genèse du groupe. Au début des années 90, Daniel, Marcel et Rémi m’ont contacté en tant que conseiller pédagogique en musique, à l’Education Nationale, pour aider d’une part les chanteurs amateurs à enregistrer les chansons, et d’autre part, pour faire intervenir des classes dans le projet d’enregistrement de ces chansons. Je l’ai fait avec intérêt dans le cadre du travail en studio puis j’ai découvert les talents de Théo Capelle qui ont permis de faire de la scène et de changer de « braquet » puisqu’à partir de là, on a vraiment pu toucher le public.
Daniel Bourdelès : L'association Magène est née à la fin des années 80. L'objectif était de promouvoir le normand, notre langue régionale, dans la perspective de le faire vivre plus longtemps. L'idée de départ était de constituer un répertoire de nouvelles chansons en normand en nous appuyant sur les créations des poètes locaux. Cette initiative a eu du succès. Autour de Marcel Dalarun et de Rémi Pézeril, animateurs passionnés, beaucoup se sont improvisés poètes et se sont mis à écrire. Ces textes se sont ajoutés à l'importante collection des écrivains déjà édités, qu'ils soient du continent ou des îles Anglo-Normandes. J'ai très vite été submergé de propositions de textes à mettre en chansons. C'était un bonheur !
Douze CD ont été conçus depuis cette époque, avec des interprètes variés. Nous avons eu la chance de réunir très vite un public régulier et fidèle qui achète toujours nos CD, ce qui permet à notre association Magène de tenir bon dans une époque qui connaît l'effacement inexorable des langues régionales.
Aujourd'hui, nous avons la chance de promouvoir notre répertoire grâce à un superbe groupe de scène et au talent de Théo Capelle, un interprète hors pair.
Peut-on dire que l’on est sur la bonne voie pour sauvegarder notre loceis via la chanson ?
J-LD : Une chanson peut-elle changer le monde ? Cela se saurait, et je n’ai pas cette prétention, mais c’est sûr que depuis que Magène existe, de nombreuses personnes non initiées ont découvert ce langage et les « patoisants » se sont vu valorisés par cette approche poétique et néanmoins populaire. Ils ont changé leur vision de cette belle langue chantante et imagée. Nous participons à la sauvegarde c’est sûr… Magène sait sortir de ses livres le normand écrit, Magène sait le faire vivre sur scène. Toute proportion gardée, beaucoup de gens ont découvert Aragon grâce à Jean Ferrat, François Villon à Brassens, Rutebeuf à Léo Ferré ! La chanson est un vecteur efficace. Je n’ai pas d’objectif militant, mais par l’association Magène, l’occasion m’est donnée de mettre en valeur avec mes moyens, un patrimoine culturel auquel je suis attaché.
DB : Avec la chanson, on maintient le souvenir du normand et d'une culture liée. Peut-on dire qu'on sauve la langue ? Je suis perplexe car il y a peu de jeunes dans nos diverses associations de sauvegarde. Mais, au moins, on contribue à retarder un peu l'échéance !
Pensez-vous que la culture régionale et l’expression en normand est suivie par le public, par les pouvoirs publics ?
J-LD : Bof, les pouvoirs publics n’ont pas intérêt à cultiver les différences régionales, et le grand public est assez perméable aux modes et aux choix des distributeurs. Pour ces derniers, on doit faire face à des financiers qui flairent les bonnes affaires, le normand n’est pas assez porteur. Par exemple, les « chants de marins » et « Magène » sont généralement classés dans la catégorie « Musique du Monde » car il n’y a pas d’autre endroit où les caser. On a la démonstration tout de suite avec les « Marins d’Iroise », que l’on fait surfer sur la vague bretonne et qui sont présentés dans la catégorie « Variété française » avec une large distribution. On les a donc « démarginalisés ». Affaire juteuse, on les met à toute les sauces médiatiques, à grands renforts de moyens (CD avec arrangements professionnels, enregistrements à Londres, tournée, passages à la radio, à la télé…). Succès populaire sans doute, mais savamment orchestré par les financiers des grands média. On sait ce qu’il en est du matraquage sur les ondes, ça fait acheter… Ca durera le temps d’une mode ; tant mieux pour eux, à moins qu’ils ne le regrettent déjà, va savoir…
DB : Notre espace rétrécit constamment. D'un côté, il existe un vrai public pour ce projet, et aussi un fort climat de sympathie pour cette volonté de sauvegarde. De l'autre, c'est-à-dire de la Région ou de l'Etat, nous sommes perçus comme des associations marginales. A croire que cette langue normande, qui fut parlée par des millions de personnes au cours de l'histoire, n'est plus qu'anecdotique et désormais classable dans la rubrique « folklore local ».
Parlez-nous de votre dernier CD qui semble recueillir un franc succès. Quels sont les projet et notamment pensez-vous à un CD en public, le premier ayant été fort apprécié ?
J-LD : C’est sûr que je suis fier du dernier CD, et je remercie Magène d’avoir accepté de mettre des moyens conséquents à sa réalisation : studio professionnel, livret cartonné de 48 pages couleur... Un bien bel objet ! Il devrait y avoir d’autres productions.
DB : Je trouve notre dernier CD La dentélyire particulièrement réussi. D'abord parce que les musiciens du CD, dirigés par Jean-Louis Dalmont, ont réalisé un travail professionnel et sensible. Ensuite, grâce au talent de Théo Capelle qui sait faire vivre les chansons. Enfin, le coffret du CD est superbe, ce qui apporte un plus à l'ensemble. De son côté, Magène en concert demeure notre album le plus vendu. Un autre CD en public pourrait être envisagé si tel était le souhait du groupe à l'avenir. Pour l'instant, nous réfléchissons au contenu du prochain CD prévu début 2013. L'important est de sélectionner des beaux textes à mettre en musique, car il y en a encore beaucoup.
En cette fin d’année, si le père Noël était normand que lui demanderiez vous pour l’avenir à moyen terme ou simplement 2012 ?
J-LD : Que la Normandie défende ses artistes et sache les promouvoir !
DB : Formulons un vœu : que le normand tienne le plus longtemps possible dans la vie culturelle de la Normandie. Evidemment, une multiplication des spectacles de Magène ne peut qu'y contribuer ! Pour nous, en conclusion, ce sera que le Pé Noué remplisse sa graunde pouque de Cds de MAGENE !
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