L’église Saint-Malo de Canville-la-Rocque. (Photo Érik Groult © Patrimoine Normand.)
Dans une église du Cotentin, auprès d’une des routes menant à Saint-Jacques-de-Compostelle des artistes ont peint en 1520 une étrange histoire.
L’église de Canville-la-Rocque ressemble aux autres églises du Cotentin, bâtie de belles pierres (au XVe siècle), couverte d’ardoises et clocher à bâtière. Autour d’elle s’organise son ravissant village, non dénaturé, surplombant les marais qui de Carentan à Portbail finissent à cet endroit de couper la presqu’île.
C’est certainement de par cette situation géographique que l’église et le village ont vu le jour. Nous allons le découvrir un peu plus loin.
Cela pourrait commencer comme un beau conte de Noël. En effet, chaque année, les enfants qui n’ont pas encore fait leur communion solennelle se prêtent au montage de la crèche qui se doit d’être imposante. Celle-ci est installée dans l’ancienne chapelle seigneuriale de Jacques d’Harcourt (vers 1520), sur une table, avec en guise de décors de fond du papier rocher qu’il faudra accrocher bien haut. Une échelle appuyée sur le mur permet aux enfants de fixer les reliefs en papier. Le déplacement successif de celle-ci, le frottement sur le mur enduit à la chaux entraîne un effritement du revêtement qui peu à peu laisse entrevoir sur le mur des traces de couleur.
Intrigué par cette découverte, Monsieur Roulland (aujourd’hui maire de Canville-la-Rocque) avertit Monsieur l’Abbé Lelégard et Monsieur Lampérière qui ont entrepris de répertorier l’art sacré en Cotentin. Monsieur l’Abbé Lelégard fit venir un artiste fresquiste de Chartres qui effectua différents sondages. Des fragments de fresque apparurent et il fut entrepris, avec la participation de la commune, de retirer l’enduit de chaux.
C’est millimètre par millimètre que Monsieur Gigon découvrit ce qui est en fait une peinture murale, la fresque étant une technique de peinture détrempée à l’eau de chaux sur une muraille fraîchement enduite.
Mais quelle pouvait-être la signification de celle-ci ?
Des personnages nus, un pendu, des volailles en train de rôtir ? Un ami de Monsieur Roulland qui s’était rendu à Saint-Jacques-de-Compostelle se souvenait avoir vu dans une église d’Espagne à Santo Domingo de la Calzada un coq et une poule vivants dans une cage en fer forgé avec, surplombant celle-ci, une peinture similaire à celle de Canville. Le maire de Canville se rendit sur place sans pouvoir résoudre la question. Ce n’est qu’en 1990 qu’une jeune étudiante espagnole séjournant dans la région put apporter la clé de l’énigme.
À gauche : Saint-Marc et le Christ ; à droite : restes de peintures montrant des scènes érotiques : la servante tente de séduire le fils. (Photo Erik Groult © Patrimoine Normand.)
L’histoire relatée sur les murs de la chapelle seigneuriale se rencontre un peu partout en Europe sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle :
Un couple et leur fils partis d’Allemagne pour se rendre à Saint-Jacques, passent la nuit à Santo Domingo de la Calzada. La servante de l’auberge, en mal d’affection, tente des avances amoureuses auprès du fils qui la repousse. Pour se venger, celle-ci glisse dans les bagages du fils une tasse en argent du service de l’auberge. Le lendemain, la servante dénonce le fils aux gens d’armes qui découvrent la tasse. Le fils est arrêté, jugé et condamné à être pendu. Les parents effondrés se rendent malgré tout à Saint-Jacques-de-Compostelle. Au re...
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