Château Guillaume-le-Conquérant, Falaise. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand.)
Le château de Falaise, appelé souvent « château de Guillaume le Conquérant », est un monument majeur de notre patrimoine. Nous allons l’ausculter au fil de nos numéros. Il le mérite bien, malgré tout …
La couverture en téflon blanc qui recouvre… de manière « transitoire » (vu son absence de longévité) le château de Falaise. (© Patrimoine Normand.) |
Guillaume le Conquérant est bien né au château de Falaise, premier château dont il ne reste rien malgré une touchante légende selon laquelle on nous montrait sa chambre dans le donjon il y a encore une quarantaine d’années… Le donjon actuel a été construit sur ordre de Henri Ier Beauclerc dans le premier quart du XIIe siècle, probablement vers 1123.
Cette puissante tour-maîtresse typiquement normande est flanquée, au sud-est, par une saillie dans laquelle est logée la chapelle castrale. Quelques années plus tard, pour augmenter la capacité résidentielle de l’édifice, une tour secondaire a été plaquée sur la face occidentale de l’édifice principal.
Mais nous étudierons les détails de la construction et de ses structures dans de futures chroniques. Dans celle-ci, nous nous concentrerons sur sa couverture et son aspect au XIIe siècle. Comme le rappelle un castellologue réputé, Jean Mesqui, l’énorme tour à contreforts est « aujourd’hui découronnée d’au moins un étage. » (1)
Elle est maintenant recouverte d’une spectaculaire couverture en téflon… genre chapiteau de cirque. Mais cette couverture en téflon, fâcheuse, n’est qu’une solution transitoire ; elle ne serait garantie que vingt ans - elle n’en aurait donc plus que pour une douzaine d’années… Comme le rappelait la revue Momus (2) : « Les haubans de métal rongent inexorablement la toile et le téflon des tentes et posent de graves problèmes de maintenance ». Nos ancêtres avaient plus de bon sens ; ils construisaient des toitures aptes à durer des siècles et non deux décades et ils étaient plus vigilants pour leurs deniers…
En haut : première illustration de Viollet-le-Duc montrant la structure d’une charpente du XIIe siècle. En bas : seconde illustration de Viollet-le-Duc. (© Patrimoine Normand.) |
Plan du donjon : A. Grand donjon. B. Chapelle Saint-Prix. C. Petit donjon. D. Tour Talbot. 1. Ancienne brèche d'accès. 2. Porte d'entrée. 3. Escalier supérieur. 4. Escalier inférieur. 5. Puits. 6. Cave voûtée. 7. Escalier du petit donjon. 8. Escalier de la Tour Talbot. 9. Escalier de la crypte. 10. Escalier inférieur de la tour Talbot. 11. Escalier supérieur. (© Patrimoine Normand.) |
Alors quelles toitures recouvraient le « donjon » de Falaise il y a neuf siècles ? La surface du bâtiment est bien trop vaste pour n’avoir été couverte que par une seule couverture qui eut été une immense pyramide. La structure de ce bâtiment montre bien ce qu’elle était. Un mur de refend partage le bâtiment en deux : grande salle au nord, chambre et antichambre au sud. Cette « séparation » devait se prolonger jusque dans les parties hautes, au moins par des piliers de bois. Ainsi, comme nous le rappelions en janvier 1997, dans le n°13 de Patrimoine Normand : « Ces grandes tours étaient couvertes de longues toitures successives, suivant le rythme des cloisons intérieures, avec un chéneau pour l’écoulement des eaux ». Ecoutons maintenant Eugène Viollet-le-Duc qui, au moins, fait preuve d’une immense érudition concernant l’architecture médiévale, érudition qui manque fâcheusement à certains architectes contemporains : « Les Normands, peuples de marins, semblent être les premiers, dans ces contrées, qui aient fait faire un pas considérable à l’art de la charpenterie. Il est certain que, dès le XIe siècle, ils construisirent de vastes édifices entièrement couverts par de grandes charpentes apparentes ; l’Angleterre conserve encore bon nombre de ces charpentes » (3). Le génial architecte donne un peu plus loin un exemple de charpente du XIIe siècle : « Or, pour ce qui est des charpentes de combles, dont nous nous occuperons d’abord, le système emprunté aux anciens est fort simple. Il consiste en une suite de fermes portant des pannes sur lesquelles reposent les chevrons. La forme primitive est souvent dépourvue de poinçons ; elle se compose (voir 1re ill.) d’un entrait AB, de deux arbalétriers A C, BC, et d’un entrait retroussé DE, destiné à empêcher les arbalétriers de fléchir et de se courber sous la charge de la couverture. Si ces fermes ont une portée plus grande, on y ajoute un poinçon CF, venant recevoir les extrémités des deux arbalétriers, s’assemblant en F à tenon et mortaise, et arrêtant ainsi la déformation de la ferme. Si l’on craint la flexion de l’entrait AB (2e ill.), par suite de sa longueur, le poinçon vient s’assembler en F, le suspend, et l’entrait retroussé DE s’assemble en GH dans ce poinçon. Les pannes I reposaient sur les arbalétriers, retenues par des chantignolles K, et les chevrons LM s’accrochaient sur leur face externe. Mais si le comble n’a pas une forte inclinaison et si l’on veut que la rencontre des arbalétriers avec l’entrait ne porte pas à faux, ce système exige des murs d’une grande épaisseur. En effet (2e ill.) : supposons que l’intervalle à couvrir NO soit de sept mètres soixante centimètres, les arbalétriers ayant 0,20 c. d’équarrissage, les pannes autant, et les chevrons 0,12 c., on voit que l’épaisseur des murs doit être de 1,10 c, ce qui est considérable eu égard au peu de largeur du vaisseau. » (4) Sur la construction principale, la surface à couvrir est d’une vingtaine de mètres de long pour des largeurs respectives de douze et sept mètres environ.
Connaissant maintenant le type de couverture utilisée au XIIe siècle, valable pour les donjons normands de cette époque, nous essaierons de voir, dans la prochaine chronique la disposition possible des parties hautes de cette construction…
Ce que nous avions proposé dès notre n°13, de février 1997, de Patrimoine Normand. (© Patrimoine Normand.)
© Patrimoine Normand |
PRATIQUE
|
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER :NOUS SUIVREPRATIQUE
|