Le mont Saint-Michel, enjeu entre les Bretons et les Normands (© Laurent Ridel).
La polémique a encore rebondi il y a quelques mois, en avril 2017 : les médias révèlent que, sur le site de l’office de tourisme de Bretagne, une carte inclut dans la région toute la baie du mont Saint-Michel jusqu’à Granville. Cette annexion symbolique agace le maire d’Avranches, David Nicolas, qui « dénonce une mainmise récurrente sur cette baie et surtout sur l’image du mont Saint-Michel » par les Bretons.
Je refuse fermement l'annexion pure et simple de la baie du Mont Saint-Michel par les communicants Bretons de... https://t.co/LJhmHfVTA6
— David NICOLAS (@DNicolasMaire) 19 avril 2017
Décidément, même à une époque où les frontières administratives sont clairement tracées, l’appartenance de l’îlot béni reste problématique. Le fleuve Couesnon devrait pourtant mettre tout le monde d’accord - à l’ouest la Bretagne, à l’est la Normandie - mais les Bretons lui reprochent d’avoir divagué au cours des siècles, comme le rappelle le fameux dicton : « Le Couesnon par sa folie, mit le Mont en Normandie ».
À défaut de la géographie, l’histoire apporte-t-elle la réponse ? Dans ce combat pour l’appropriation du site, il y a d’abord match nul : à sa fondation, vers l’an 708, le mont Saint-Michel n’est ni normand (la Normandie n’existe pas encore) ni breton (les petits royaumes bretons s’étendent plus à l’ouest). Il appartient au royaume franc et dépend de l’évêché d’Avranches. La cité de l’archange entre probablement dans l’orbite bretonne avec les conquêtes des rois Erispoë et Salomon. Le traité de Compiègne en 867 reconnaît à ce dernier le Cotentin, c’est donc que le prince devait déjà tenir l’Avranchin, la région du mont Saint-Michel. D’ailleurs, vers 870, un Breton dirige la petite communauté de douze chanoines.
Traditionnellement, les historiens closent la domination bretonne en 933, quand le duc de Normandie Guillaume Longue Épée reçoit du roi Raoul « la terre des Bretons située sur le rivage de la mer ». Une formulation bien vague, mais habituellement interprétée comme la cession du Cotentin et de l’Avranchin. Pour autant, les descendants du Viking Rollon s’imposent difficilement sur cette marge occidentale, si éloignée de Rouen, le cœur de leur pouvoir. Selon l’historien breton Hubert Guillotel, les Normands ne dominent véritablement le monastère et sa région qu’au début du XIe siècle, à la faveur de la mort du duc des Bretons Geoffroi.
Dès lors, le mont Saint-Michel se « normannise ». Quand, dans la seconde moitié du XIIe siècle, le moine Guillaume de Saint-Pair raconte l’histoire de son abbaye, il gomme toute trace du passé breton.
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