Exposition « Sur les traces vikings - l'héritage viking dans la Tapisserie de Bayeux », au musée de la Tapisserie de Bayeux. (© Ville de Bayeux)
Nous avions présenté l’exposition consacrée aux Vikings à Bayeux, dans notre précédent numéro. Voici quelques aspects du colloque qui s’est tenu dans le cadre de cette exposition.
Malgré les dates du colloque, le jeudi 29 et le vendredi 30 mars 2007, le public et les spécialistes sont venus nombreux. Nous avons eu le plaisir d’y retrouver des lecteurs de Patrimoine Normand.
Parmi les principaux thèmes abordés : le bateau des vikings et celui qu’on retrouve reproduit sur la Tapisserie de Bayeux. Évoquons tout d’abord la communication de François-Xavier Dillmann, professeur à l’École Pratique des Hautes Études. Ce Flamand de France a eu l’immense privilège d’étudier en Suède à Uppsala, en tant qu’élève du professeur Bertil Almgren. C’est l’un des universitaires français qui connait le mieux les travaux scandinaves. Son exposé était donc particulièrement riche. Il nous a parlé des figures de proue des navires des Vikings et autres anciens scandinaves, entre le IXe et le XIe siècle. Il avait amené avec lui des textes de la littérature scandinave ancienne. Ainsi, dans l’Impromptu XVIII de Thjodolf Arnôrsson, évoquant le lancement du navire du roi de Norvège Harald le Sévère, à Nidarôs, en 1062, nous trouvons la mention de trois types de bateaux, le skeid, le dreki, et le hlunn. Dans le Haraldskvaedi (poème de Harald), de Thor-björn hornklofi, strophe VII, nous pouvons lire « Knerrir kômu austan » (les Knörs arrivent de l’est - kômu signifie « arrivent » et austan, de l’est). Le knör est un navire de commerce ventru alors que le skeid est un navire de guerre. Le dreki évoque la proue qu’il arbore. Mais, attention, bannissez avec détermination le terme de « drakkar » qui n’est qu’un barbarisme inventé au XIXe siècle. Si vous voulez à tout prix garder un peu de cette sonorité, utilisez le terme de dreki qui donne drekar au pluriel ...
Une flotte nordique gravée sur une pièce de bois d’environ 18 centimètres de long, découverte à Bergen et datée du XIIIe siècle. On remarque encore des proues en forme de têtes d’animaux ou de dragons et des girouettes. (© Statens Historika, Stockholm)
Mais le professeur Dillmann s’est surtout attaché à l’aspect des proues des navires vikings. Ce sont bien sûr des têtes de dragons mais aussi des têtes de taureaux et des têtes de chevaux. Ces proues sculptées sont amovibles, comme la Tapisserie de Bayeux le montre avec précision. Elles sont en bois, parfois décorées de pièces de métal, figurant la crinière de l’animal, comme celles qui furent découvertes lors de la fouille du bateau de Ladby au Danemark et figurées aussi sur le décor d’un moule trouvé à Haithabu. Ces têtes étaient souvent peintes de couleur vive, parfois même elles étaient dorées sur quelques rares navires princiers. Quant au rôle de ces têtes, nous savons par de rares textes qu’elles étaient enlevées en abordant les côtes pour ne pas effrayer les esprits tutélaires du pays, les landvaettir. Mais à quand remontait cet usage ? En baie de Somme ont été retrouvées des proues sculptées au nombre de trois, qu’on a longtemps considérées comme scandinaves. En fait, une analyse dendrochronologique a démontré qu’elles sont plus anciennes, elles remontent au Haut Moyen Âge et sont déjà d’esprit « viking ». Bien plus, des gravures rupestres datant de l’Âge du Bronze et toujours visibles dans le sud de la Suède montrent déjà des bateaux munis de proues en forme de têtes de chevaux. Ainsi, 1200 ans avant notre ère, il y avait déjà en Scandinavie des navires munis de telles proues. C’est donc une tradition, probablement de caractère magique, qui a duré vingt siècles ! Et, sur une pierre gravée de l’île de Gotland, datant de l’époque viking, on peut voir un navire muni lui aussi d’une proue de tête de cheval.
Se pose alors la question d’une tradition restée vivace en Normandie en 1066. La « Tapisserie » de Bayeux a probablement été brodée dans le Sud de l’Angleterre. Certains spécialistes ont alors émis l’idée que les bateaux de la Tapisserie n’auraient pas pour modèles des navires normands mais des navires anglais. Ce commentaire est un peu hâtif car la Tapisserie se distingue par sa précision dans les caractéristiques nationales.- Normands et Saxons sont bien individualisés, les brodeurs étaient fort bien documentés, les navires sont assurément normands.
Par ailleurs, dans sa communication, Élisabeth Ridel, spécialiste des termes maritimes scandinaves en Normandie, a fait le point sur cette question et a rappelé les deux termes utilisés en Normandie au XIe siècle pour décrire les navires de guerre hérités des Vikings : l’escheir (de skeid, grand navire de guerre) et l’esnèque (de snekkja, navire moyen et courant de 20 à 25 bancs de nage). Nous attendons avec impatience les actes du colloque.
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