Restauration du château de Falaise. La fin des travaux approche et l'avant-corps en béton a soulevé une tempête. (© Patrimoine Normand)
Depuis deux mois, de nombreux médias régionaux et nationaux ont pris la relève de la colère des Falaisiens : la « restauration » qui s'achève du château des ducs de Normandie a soulevé la stupeur sur le plan local puis une tempête jusqu'au plan national.
Dans son numéro de novembre le magazine Beaux Arts sous le titre : « Le lifting douteux du château de Falaise » écrit : « Au moment où, partout en France, des associations de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine s'ingénient à encourager l'usage de matériaux anciens pour restaurer châteaux, manoirs et demeures de caractère, la mise en œuvre massive, à Falaise, de matières aussi contemporaines que le béton, l'aluminium et le téflon, a de quoi laisser pantois. » Une autre publication spécialisée – Momus – note aussi les points techniques malencontreux : « Les sols créés à l'intérieur des donjons ne sont pas aux normes de sécurité. Le système d'obturation des fenêtres n'est pas étanche. Les haubans de métal rongent inexorablement la toile et le téflon des tentes et posent de graves problèmes de maintenance. » Quant à la presse grand public, elle se fait l'écho de l'émoi intense suscité par cette réalisation contestée. L'Express, avec le titre « Malaise à Falaise ».?Le Figaro avec le titre « Falaise : le mur de la honte. Le donjon des ducs de Normandie se voit flanqué d'un avant-corps en béton gris, hideux, entièrement inventé ! Peut-on encore parler de “restauration” ? et de “Monument Historique” ? » L'Impartial des Andelys avec le titre « Il a construit le “Mur de la honte” au château de Falaise », ou Les Nouvelles de Falaise avec le titre « Ils refusent le “blockhaus”. » La France entière a été secouée par cette émotion jusqu'aux journaux locaux (et jusqu'à Nice Matin) et à travers toutes les chaînes de télévision.
Qu'en est-il réellement ? Au milieu de cette passion, observons les faits objectivement et essayons de le faire avec précision. L'auteur de ces lignes a étudié l'architecture, l'archéologie et l'histoire, principalement médiévale et connaît particulièrement bien ces questions.
Au début des travaux, Bruno Decaris, l'architecte en chef des monuments historiques nommé en 1986 pour le Calvados, présente le château dans une plaquette publiée par les Monuments historiques. L'architecte nous fournit là un texte un peu confus avec d'importantes erreurs historiques. En ce qui concerne ce type de donjon, il parle de « modèle anglais » ajoutant « les prototypes demeurent la tour de Londres, bâtie sur les ordres du Conquérant et sa réplique à Colchester ». C'est là faire peu de cas du donjon d'Ivry-la-Bataille (Eure) qu'on attribue généralement à la fin du Xe siècle et qui présente encore le principe du palais carolingien, avec sa salle de premier niveau, et tout le programme déjà en place de ce que les Anglais appellent les « donjons normands » : Grande salle, salle d'apparat, chambre privative et chapelle. Déjà André Châtelain dans ses « Donjons romans de l'Ouest » avait bien étudié ce type de construction. un ouvrage plus récent, « Châteaux et enceintes de la France médiévale » par Jean Mesqui (Picard, 1991), apporte des précisions. Déjà, la Tour-palais d'Ivry possédait une chapelle à abside saillante comme la Tour de Londres (seconde moitié du XIe siècle) ou celle de Colchester. La Tour de Falaise, plus tardive, possède aussi sa chapelle mais dans une constru...
Il vous reste 78 % de cet article à lire.
PRATIQUE
|
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER :NOUS SUIVREPRATIQUE
|