Exposition « Les Petits Maîtres et la Seine » Couleurs et reflets (1830-1980). La grange aux Dîmes. Un cadre idéal pour une exposition hors norme. (© Stéphane William Gondoin)
Ne cherchez pas ici les signatures de Monet, Degas, Pissarro ou Marquet, même si l’on sent l’omniprésence de leur influence : les emplacements sur les cimaises sont exclusivement réservés à des artistes de moindre renommée, qui pourtant n’avaient pas nécessairement moins de talent. « Ces petits maîtres », nous raconte Michel Prigent, commissaire de l’exposition, « ont parfois simplement manqué de chance, en ne rencontrant pas les personnes susceptibles d’accroître leur visibilité ou en ne participant pas aux bonnes manifestations. Par ailleurs, on les imagine souvent séparés des " grands " par une sorte de fossé de notoriété. En réalité, tout ce monde, " petits " ou " grands ", vivait ensemble, travaillait ensemble, faisait la fête ensemble... »
Une petite merveille signée Eugène-Anatole Hillairet, Le quai aux vins et Notre-Dame, vers 1900. (© coll. Privée – Photo Stéphane William Gondoin)
Au fil de l’eau
À la grange aux Dîmes, l’exposition Les petits maîtres et la Seine constitue d’abord une invitation à voyager à travers le temps, en descendant plusieurs centaines de kilomètres du grand fleuve comme si nous étions montés à bord d’un bateau. Après quelques splendides nus féminins, allégories traditionnelles des sources, nous embarquons du côté de Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne), à la confluence de l’Yonne et de la Seine : direction la forêt de Fontainebleau pour rendre un hommage appuyé aux peintres de la fameuse école de Barbizon, à laquelle appartenaient Camille Corot, Théodore Rousseau, Charles-François Daubigny et bien sûr le Normand Jean-François Millet. Nous saluons un peu plus loin Stéphane Mallarmé à Vulaines-sur-Seine, Paul Cézanne à Melun, avant de gagner Paris, grâce notamment à des œuvres de Gustave Lino, Jean Dehelly, Louis Braquaval… On y découvre aussi une composition saisissante signée Eugène-Anatole Hillairet, dans la plus pure des traditions impressionnistes, au centre de laquelle trône une cathédrale Notre-Dame dans toute sa splendeur.
En poursuivant notre périple, nous rejoignons la célèbre maison Fournaise, cette fameuse Grenouillère immortalisée par Claude Monet et surtout Renoir, avec son mythique Déjeuner des canotiers. Ici, nous devons l’œuvre exposée à Jules Cornillier.
Jules Cornillier, La Grenouillère, 1864. (© coll. Privée - Michel Prigent) | Léonard Bordes, Glaçons sur la Seine à Rouen, 1931. (© coll. Privée - Michel Prigent) |
Vers la Manche
Et puis, et puis… cette Seine devient normande aux portes de Vernon, s’en vient lécher les pieds du Château-Gaillard et rejoint Rouen, ville industrieuse où le trafic des navires s’intensifie. « Toutes ces œuvres [nda : environ 120, provenant de collections privées] ont à la fois une valeur artistique, patrimoniale et documentaire, puisqu’elles nous montrent des paysages qui ont beaucoup changé, où l’on voit des édifices ou des aménagements disparus, » explique Michel Prigent avec dans les yeux cette lumière qui s’allume chez les seuls passionnés. Et lorsqu’on lui demande où vont ses coups de cœur, il s’arrête devant Péniches à Paris (vers 1920), de Marie Mela Muter, Intérieur d’église devant la Seine (vers 1910), de Xavier Boutigny, ou encore ce bouleversant Jeune couple et enfant au Havre, réalisé en 1947 par Fred Pailhès, montrant la détresse de jeunes gens, presque des enfants encore, subissant les frimas de l’hiver un bébé dans les bras, au milieu des ruines de leur ville.
Une exposition superbe, qui suscite enthousiasme artistique et émotion, et qui nous conte des histoires en nous parlant d’Histoire. À ne manquer sous aucun prétexte !
Michel Prigent présentant le tableau Jeune couple et enfant au Havre, réalisé en 1947 par Fred Pailhès. (© Stéphane William Gondoin)
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