Exposition « Les villes ardentes (1870-1914) » au musée de Beaux-Arts de Caen. (© Stéphane William Gondoin)
Dans une France encore très rurale, qui se remet lentement des conséquences de la guerre franco-allemande de 1870-1871, l’expansion de l’industrie chamboule le visage des différents terroirs. La ville, nous ne l’apercevons d’abord que de très loin, hérissée de cheminées fumantes contrastant avec les campagnes environnantes, à travers des œuvres signées Armand Guillaumin, Stanislas Lépine Georges Willaume ou Georges Prunier.
Maximilien Luce, Aciéries près de Charleroi. (© RMN - Musée d'Orsay)
Repenser le travail et la ville
Au fil du parcours, le visiteur s’enfonce dans les entrailles de cités industrieuses. On explore ainsi les quais de Paris, Rouen, Le Havre où, entre grues, charrettes et péniches, s’affairent cribleurs de sable, coltineurs de charbon, débardeurs de ciment… Autant de rudes métiers aujourd’hui disparus, permettant à une foule de travailleurs de vivre modestement du fruit de leur labeur.
De cimaise en cimaise, nous devenons les témoins de la mutation profonde de l’espace urbain, à l’image de Paris où l’on reconstruit des quartiers entiers et où des milliers de manouvriers creusent le métropolitain dans des conditions dantesques. Nous observons l’arrivée massive des femmes, largement sous-payées, dans les ateliers de repassage ou de taille de faux diamants, les fabriques de porcelaine… La projection en boucle du célèbre film La sortie des usines Lumière à Lyon (1895) démontre que la féminisation du personnel ne constitue pas un phénomène marginal. Le secteur du bâtiment en revanche, mais surtout la fonderie ou l’aciérie, avec leurs volcans artificiels aux allures de brasiers infernaux, autour desquels dansent ombres difformes et silhouettes déshumanisées, restent les domaines réservés des hommes.
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Henri Gervex, Le Quai de la Villette à Paris ou Le Coltineur de charbon, 1882, huile sur toile, Lille, Palais des Beaux-Arts. (© Lille Palais des Beaux-Arts) | Ferdinand Joseph Gueldry, Scène de triage de la laine à Roubaix, vers 1910. (© Musée La Piscine (Roubaix), Dist. RMN-Grand Palais) |
De la peine à la révolte
Les artistes entrent même dans l’intimité des foyers, saisissant le malheur de celui qui se retrouve au chômage ou les pleurs de la veuve auprès du corps de son époux. Ici, des travailleurs emportent un camarade victime d’un accident du travail ; là, deux ouvriers regardent du haut d’un échafaudage le cortège funèbre emportant l’un des leurs vers sa dernière demeure. Toiles, esquisses, dessins de presse, aquarelles, affiches syndicales fustigent le comportement de patrons jugés peu soucieux du bien-être de leurs employés et considérés comme les responsables de leur misère. La narration s’achève sur une évocation des mouvements sociaux et de leur répression parfois sanglante. Chaque étape est accompagnée de précieux repères chronologiques rappelant les grandes avancées sociales, ainsi que de cartes postales anciennes formant un complément iconographique appréciable. Une exposition qui amène à s’interroger sur la condition ouvrière avant la Première Guerre mondiale et porte un regard bien différent sur une « Belle Époque » trop souvent idéalisée dans l’art. À voir sans modération !
Exposition « Les villes ardentes (1870-1914) » au musée de Beaux-Arts de Caen. (© Stéphane William Gondoin)
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