La Normandie retrouve sa mémoire médiévale
Cela ne sera une surprise pour personne : à Patrimoine Normand, nous n’avons jamais été des inconditionnels de la scission de notre Normandie en deux demi-régions ! Les querelles de clochers et les rivalités stériles ont longtemps ralenti, découragé, voire complètement paralysé les initiatives susceptibles de rappeler la longue histoire que nous partageons, depuis que les Romains créèrent, il y a plus de 1 600 ans, la province de Lyonnaise Seconde. Autant dire que ça ne date pas d’hier ! Tous frères (ou au moins cousins) de Cosedia à Gisacum. Pardon, de Coutances au Vieil-Évreux…
Pour se convaincre de l’inertie des dernières décennies, il suffit de se remémorer du peu d’enthousiasme et de l’implication minimaliste du conseil régional de Haute-Normandie (paix à son âme), au moment du 1100e anniversaire de l’accord de Saint-Clair-sur-Epte, en 2011. Rendons cependant à César ce qui lui appartient : du côté de Caen en revanche, on avait compris depuis belle lurette que Guillaume le Conquérant (pour résumer) était aussi valorisant que le Débarquement et les peintres impressionnistes. À Falaise ou à Bayeux, on ne nous démentira sûrement pas.
Fort heureusement, tout cela est aujourd’hui derrière nous et les choses bougent. Jeanne d’Arc, trop longtemps demeurée prisonnière de considérations politiques et idéologiques, est maintenant devenue fréquentable à Rouen, où elle a son Historial dans le cadre splendide de l’ancien palais archiépiscopal. Quant aux Vikings, ils ne sont plus un sujet tabou. On peut donc enfin parler d’une « identité normande », débarrassée, bien sûr, de toute forme de repli sur soi, sans subir un procès instruit par des consciences aussi mal informées que promptes aux verdicts sans appel. Dans l’interview qu’il nous a accordée, et que vous pourrez lire dans ce magazine, le président Hervé Morin déclare vouloir que l’on « retrouve l’attachement à notre région, notre identité, notre culture, la fierté d’être normand. J’aimerais que, dans quelques années, nous soyons aussi fiers d’être normands que les Bretons ou les Corses sont fiers d’être ce qu’ils sont. » On adhère !
Car « identité » n’est ni un gros mot ni un synonyme d’anathème envers tous ceux qui arrivent d’ailleurs. Ce terme qualifie simplement le lien unissant un territoire et les gens qui l’ont occupé, l’occupent et l’occuperont. Chacun a la possibilité de s’y retrouver, qu’il revendique des ancêtres normands depuis X générations, ou qu’il ait posé la veille ses valises sur les côtes de la Manche. En un mot, tout « horsain » tombé sous le charme est légitime à s’approprier l’héritage.
« Je dirai que la Normandité est, d’un mot, une symbiose entre les trois éléments majeurs, biologiques et culturels, qui composent la civilisation française : entre les apports pré-indo-européens, celtiques et germaniques. » Ces paroles, nous les devons à l’immense Léopold Sédar Senghor, apôtre, notamment avec Aimé Césaire, de la « Négritude », et conscient à ce titre de ses propres racines. Cela ne l’empêchait pas d’avoir un cœur normand, depuis son mariage avec Colette Hubert de Betteville, originaire de Verson. Et c’est dans le Calvados que le père de la nation sénégalaise passera les dernières années de son existence.
Alors que chacun, quelles que soient ses origines, s’approprie cette Normandie, dans tous ses aspects, et porte haut ses couleurs.
Bonne lecture.
La rédaction