La Tapisserie de Bayeux (© Bayeux Museum).
Cette fine toile de lin brodée au XIe siècle et racontant la conquête de l'Angleterre par les Normands, a régulièrement attisé les convoitises de ceux qui rêvèrent, un jour ou l'autre, de traverser la Manche à la tête de leurs armées. Bonaparte en son temps, alors que ses troupes stationnaient au camp de Boulogne (1803-1805), la fit venir à Paris et exposer au musée Napoléon (aujourd'hui le Louvre). Le but était clairement de démontrer aux visiteurs qu'avec de la volonté et une logistique sérieuse, il était possible d'aller porter le fer et le feu en Grande-Bretagne.
Cette histoire plut également beaucoup aux nazis, ce qui n'a évidemment rien de surprenant. En juin 1941, la Tapisserie entreprit un étonnant périple qui la mena notamment à l'abbaye de Mondaye, à une dizaine de kilomètres au sud de Bayeux. Elle y fut soigneusement étudiée par les savants de l'Ahnenerbe (littéralement “ l'héritage ancestral ”), un sinistre institut SS de recherche pseudo-scientifique placé sous le commandement direct d'Heinrich Himmler, et chargé de traquer sur la planète toutes les traces de la “ race aryenne ”. En août 1941, la Tapisserie prit la route du château de Sourches (Sarthe), l'un de ces dépôts de province qui servaient à éloigner des zones de guerre les œuvres majeures du patrimoine français.
Bayeux - intérieur de la salle d'exposition de la Tapisserie de la Reine Mathilde (Coll. A Louis Bayeux - DR).
Elle resta entreposée à Sourches jusqu'au 26 juin 1944, pour être cette fois expédiée vers le Louvre. En ordonnant ce transfert, les autorités occupantes avaient certainement la volonté de la diriger vers l'Allemagne. Le 21 août 1944, alors que Paris était en pleine insurrection, un véhicule s'arrêta rue de Rivoli, devant l'hôtel Meurice, quartier général des forces allemandes. Deux officiers SS en sortirent et filèrent vers le bureau du général von Choltitz, gouverneur militaire du Groß Paris. Ils étaient porteurs d'un ordre donné par le Führer en personne : “ mettre en sécurité ” la Tapisserie alors entreposée dans les sous-sols du Louvre, c'est-à-dire l'emporter en Allemagne... Seul problème, le Louvre était désormais aux mains des FFI et depuis les fenêtres du musée, les résistants ne cessaient de canarder la façade de l'hôtel. Von Choltitz invita donc les SS à frapper à la porte du Louvre, en soulignant que pour des soldats d'élite tels qu'eux, cela ne devait guère poser de problème. Les deux hommes préférèrent finalement décliner prudemment la proposition, oubliant même de relever le cinglant trait d'ironie. La Tapisserie ne regagnera finalement Bayeux qu'en mars 1945.
Article publié dans Normandie 44, par Stéphane William Gondoin.
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