Patrimoine normand

Rouen : des Vikings aux fils de Guillaume

Dimanche 10 Avril 2011
Rouen : des Vikings aux fils de Guillaume

Vue d’artiste, ici Darvil dans le volume 4 de l’Epte, des Vikings aux Plantagenêts, autre bande dessinée normande publiée par Assor BD. Avec la réflexion précédente concernant la position de la Tour, cette vue donne une bonne impression générale de la cité au début du XIIe siècle ou au Xe siècle, quand la Tour n’existait pas encore. (© Assor BD)


Georges Bernage

Extrait Patrimoine Normand n°77
Par Georges Bernage.
 
Cette illustration de Woehrel extraite de l’album Les Fils de Guillaume 1 - L’Héritage, présente Rouen en 1123 depuis le Grand Pont. La Tour édifiée par Richard Ier ne se trouvait pas à l’angle sud-est. Cette erreur est due à une confusion avec l’ancien palais carolingien, qui fut ensuite le palais de Rollon et de ses successeurs, édifié effectivement au sud-ouest. Cependant, cette illustration nous donne une bonne idée de l’allure de la cité depuis la Seine. (© Assor BD)
Cette illustration de Woehrel extraite de l’album Les Fils de Guillaume 1 - L’Héritage, présente Rouen en 1123 depuis le Grand Pont. La Tour édifiée par Richard Ier ne se trouvait pas à l’angle sud-est. Cette erreur est due à une confusion avec l’ancien palais carolingien, qui fut ensuite le palais de Rollon et de ses successeurs, édifié effectivement au sud-ouest. Cependant, cette illustration nous donne une bonne idée de l’allure de la cité depuis la Seine. (© Assor BD)

Au XIe siècle, Rouen était la plus grande ville du royaume de France. En cette année anniversaire de la fondation de la Normandie, remontons les siècles.

À part quelques éléments dans la crypte de la cathédrale, il ne nous reste plus de vestiges de cette époque mais les archéologues ont retrouvé des traces de l’habitat rouennais du Xe siècle. Jacques Le Maho, bien connu surtout par sa découverte des vestiges de la maison de Mirville, datée du XIe siècle, a éclairé, à travers plusieurs articles spécialisés, l’évolution de l’habitat dans la vallée de la Seine et dans la cité de Rouen entre les premiers raids vikings et le XIe siècle ; nous nous appuierons sur ses re­cher­ches. Enfin, Thierry Lemaire (Eriamel), éditeur cauchois, conseillé par des historiens et des archéologues, a reconstitué le cadre de vie de cette époque grâce à plusieurs bandes dessinées dont nous donnons des extraits.

Les recherches de Jacques le Maho concernant les mouvements de populations à Rouen et dans la vallée de la Seine ont été publiées en 2005 dans une publication du CRAHM (Caen, 2005, pages 161 à 179). Elles ont permis de décrire l’aspect général de la Basse Seine et de la cité de Rouen en 841, lors du premier raid. À Rouen, « le paysage urbain était marqué par le contraste entre la ville intra-muros et la zone subur­baine. Siège de la cathédrale Notre-Dame et de son chapitre, de plusieurs monastères, du palais du comte et sans doute d’une bonne partie des résidences des notables locaux (cives), la cité était le centre du pouvoir administratif et religieux. Les dix-huit hectares de ce secteur intra-muros étaient sans doute faiblement occupés ». (op. cit., p. 166). Cette cité administrative devait présenter des édifices religieux, des cloîtres et maisons canoniales, manoirs nobles dispersés au milieu de jardins assez vastes, espace semi rural. Les quartiers artisanaux se trouvaient hors les murs, dans les faubourgs (suburbium), surtout à l’ouest de la cité mais aussi sur la rive gauche. Les ports se trouvaient sur les deux rives. En 841, peu avant le premier raid viking, un récit de Nithard (in Vita S. Willibaldi) évoque un site portuaire de la rive gauche, en face de la cité, recevant un convoi de 28 navires de commerce. L’habitat est donc alors assez dispersé. Toute la Basse Seine est alors assez largement peuplée, même si les méandres ont en grande partie été abandonnés depuis l’époque romaine. Des abbayes sont établies à proximité du fleuve. Depuis l’estuaire, ce sont Pentale (actuellement Saint-Sanson-de-la-Roque), surtout Jumièges, Fontenelle (Saint-Wandrille), Pennante (Saint-Pierre-du-Val), Lo­gium (act. Caudebec-en-Caux), mais aussi les monastères féminins de Montivilliers et de Pavilly. La plupart de ces abbayes disposent de leurs ports sur les bords de la Seine, l’abbaye de Jumièges en a même plusieurs (localités actuelles de Duclair, Vieux-Port et Quillebeuf). L’activité de ces ports était surtout centrée sur la pêche mais aussi le transport des hommes et des marchandises. Ainsi, selon Jacques le Maho, le pays est alors riche et peuplé, « le trait dominant est la dispersion des activités économiques en une nébuleuse de sites portuaires ou de vici artisanaux et marchands » (op. cit., p. 167). Les raids vikings bouleverseront tout cela.
 

Plan général de Rouen vers l’An Mil. La cité est enclose dans son enceinte remontant au Bas Empire romain et protégeant une surface de dix-huit hectares. La cathédrale, bordée au nord par la vieille collégiale Saint-Étienne, est le cœur de la cité. Tout le quart nord-est de la cité, au nord de la cathédrale était alors un quartier canonial présentant des maisons de pierre, les vestiges de l’une d’elles ayant été révélés par l’archéologie, entourées de jardins. Les autres quartiers présentent des parcelles en lanières avec des maisons sans étage. L’ancien palais est au sud-ouest et la «?Grosse Tour » au sud-est. Le Robec, dont le nom scandinave signifie, « ruisseau de Rouen » ou «?ruisseau rouge », coule à l’est de la ville. Il est canalisé au début du XIe siècle et des moulins à eau sont alors établis sur son cours. Le port est établi au pied des remparts et un faubourg, avec des rues nord-sud, est établi à l’ouest de la cité. Une place du marché (actuelle place du vieux marché) accueille les échanges commerciaux à l’entrée de ce faubourg. (© Heimdal) 

Plan général de Rouen vers l’An Mil. La cité est enclose dans son enceinte remontant au Bas Empire romain et protégeant une surface de dix-huit hectares. La cathédrale, bordée au nord par la vieille collégiale Saint-Étienne, est le cœur de la cité. Tout le quart nord-est de la cité, au nord de la cathédrale était alors un quartier canonial présentant des maisons de pierre, les vestiges de l’une d’elles ayant été révélés par l’archéologie, entourées de jardins. Les autres quartiers présentent des parcelles en lanières avec des maisons sans étage. L’ancien palais est au sud-ouest et la « Grosse Tour » au sud-est. Le Robec, dont le nom scandinave signifie, « ruisseau de Rouen » ou « ruisseau rouge », coule à l’est de la ville. Il est canalisé au début du XIe siècle et des moulins à eau sont alors établis sur son cours. Le port est établi au pied des remparts et un faubourg, avec des rues nord-sud, est établi à l’ouest de la cité. Une place du marché (actuelle place du vieux marché) accueille les échanges commerciaux à l’entrée de ce faubourg. (© Heimdal)

Les raids scandinaves dans la vallée de la Seine vont s’intensifier rapidement. Malgré ses remparts, Rouen est pillée et incendiée le 14 mai 841, dès le premier raid. La riche abbaye de Saint-Ouen, alors hors les murs, est pillée. Les Vikings quittent la ville le 16. Huit jours plus tard, après avoir redescendu le fleuve, ils sont à Jumièges ; ils pillent et brûlent l’abbaye et quittent la baie de Seine le 31 mai. Ils sont de retour le 20 mars 845, remontant jusqu’à Paris. Ils ne reviennent que cinq ans plus tard, le 13 octobre 851, pillant l’abbaye de Fontenelle (Saint-Wandrille). N’ayant plus rien à piller dans la région, ils sont de nouveau à Rouen en janvier 852 ; menant de là un raid terrestre sur Beauvais. Puis ils installent une base de sécurité, en amont de Rouen, sur l’île d’Oissel, qu’ils appellent Torholm (l’îlot du dieu Thor, Torulmus dans les anciennes chartes). Le séjour d’Asgeir et de son armée dans la vallée de la Seine va durer 237 jours, du 13 octobre 851 au 5 juin 852. Une nouvelle bande, commandée par Sigtrygg arrive après l’été, rejointe par celle de Gudfrid ! Ils remonteront le fleuve jusqu’à Bonnières et installeront une autre base sur l’île de Jeufosse où ils mettront en échec le roi Charles le Chauve. Ils y passent l’hiver jusqu’en 853 quittant la Seine vers juin ou juillet.

Sigtrygg revient le 18 juillet 855 et pille Rouen pour la cinquième fois, le 15 août ! Deux jours plus tard, il est rejoint par Björn côte de fer, célèbre chef danois, l’un des quatre fils de Ragnar Lódbrók (« culottes velues »). Ils opèrent jusque dans le Perche et à Chartres. L’île de Jeufosse leur procure un abri sûr pour l’hiver. Ils sont tou...
 

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