Cirque cocassien du Professeur Maladolli. (© Patrimoine Normand)
MICHEL DE DECKER - HISTOIRE DE LA NORMANDIE.
SAINt-Pierre-la-Garenne, avril de 1911.
Avant de nous retrouver à Saint-Pierre-la- Garenne, en bord de Seine, entre Vernon et Gaillon, on va effectuer un crochet par Angers où commence notre histoire, avec la naissance celle de cet étonnant romancier que fut Hervé Bazin, le 17 avril de 1911.
Il était le neveu d’un autre écrivain, le neveu de René Bazin, précisément. Hormis les liens du sang, rien ne rapprochait vraiment les deux hommes. René était un honorable bourgeois bien pensant – il a d’ailleurs siégé à l’Académie française – Hervé, lui, était révolté, turbulent, contestataire, membre du Mouvement de la Paix, c’est-à-dire très proche du parti communiste.
C’était à l’époque où il existait encore un parti communiste digne de ce nom.
Hervé Bazin a vu le jour dans une famille bigote et bien pensante. Une famille qu’il n’a pas supportée très longtemps. D’autant qu’il ne s’entendait pas du tout avec sa mère, la femme sèche et autoritaire qu’il représentera sous les traits de Folcoche, dans son roman Vipère au poing. Folcoche, un nom qui vient tout simplement de la contraction de folle et de cochonne. C’est tout dire. En révolte perpétuelle, il passa son temps à fuguer : parce qu’il ne voulait pas faire ses études à la faculté catholique ; parce qu’il ne voulait pas faire Saint-Cyr. Il fugua même au volant de la voiture de son père ! Résultat, un terrible accident qui l’obligea à un long séjour en maison de santé. Une fois rétabli, il allait alors mener, pendant quatorze ans, une existence un peu chaotique et souvent misérable. À cette époque de sa vie, il sera tour à tour marchand ambulant, garçon d’ascenseur, ferrailleur, batteur de tapis ou secrétaire particulier de Cincinnatus Maladolli !
Maladolli ! Quel individu stupéfiant que cet homme qui a accordé toute sa confiance au jeune Hervé Bazin pour assurer la gestion de son cirque qu’il avait installé sur le domaine des Farguettes, sur les hauts de Seine, entre Gaillon et Vernon, à Saint-Pierre-la-Garenne, précisément. Cincinnatus Maladoli s’appelait en réalité Albert Raphaël et il était né avec une cuillère d’argent dans la bouche. À la fin du XIXe siècle, son père était en effet un gros banquier parisien. Mais ce n’était pas la finance qui intéressait le jeune Albert, c’était le cirque ! Alors il décida d’en créer un, le Cirque Caucassien. Outre des lamas savants et un zébu sacré devant lequel chacun était tenu de se prosterner, on trouvait essentiellement des chevaux dans le Maladoli-circus. Des chevaux qu’il dressait admirablement dans un manège – qui n’existe plus aujourd’hui, puisqu’à son emplacement on a construit la salle des fêtes du village. Cincinnatus Maladolli, qui a d’ailleurs écrit un traité d’équitation ayant longtemps fait autorité, était alors considéré comme le premier écuyer de France. Ce qui ne l’empêchait pas d’être parfaitement fantaisiste. A tel point qu’on avait fini par le surnommer Patronfou. Ce qui l’amusait follement, au vrai, puisque de son côté il proclamait que ses banquiers, ses fournisseurs ou ses agents d’affaire n’étaient que des Maloventre !
Tout ce que le cirque du milieu du XXe siècle a compté de célébrités est un jour passé chez lui, à Saint-Pierre-la-Garenne : Les Gruss par exemple, ou bien Carrington ou encore Zavatta. Ils sont tous venus, un jour ou l'autre, profi...
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