Le Grand-Hôtel et la statue de Marcel Proust à Cabourg. (Photos Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand.)
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Dans À la recherche du temps perdu, Marcel Proust évoque longuement une station balnéaire qu’il nomme BALBEC. Les fréquents séjours de l’écrivain à Cabourg invitent à superposer les deux noms pour n’en faire plus qu’un. La lecture de l’œuvre et la vie de son auteur nous donnent de précieuses indications sur la question : Balbec est-il vraiment Cabourg ?
« Ce fut à une station de chemin de fer, au-dessus d’un buffet, en lettres blanches sur un avertisseur bleu, que je lus le nom, presque de style persan, de Balbec. Je traversai vivement la gare et le boulevard qui y aboutissait, je demandai la grève pour ne voir que l’église et la mer ; on n’avait pas l’air de comprendre ce que je voulais dire. Balbec-le-Vieux, Balbec-en-Terre, où je me trouvais, n’était ni une plage ni un port. Certes, c’était bien dans la mer que les pêcheurs avaient trouvé, selon la légende, le Christ miraculeux dont un vitrail de cette église qui était à quelques mètres de moi racontait la découverte ; c’était bien de falaise battue par les flots qu’avait été tirée la pierre de la nef et des tours. Mais cette mer, qu’à cause de cela j’avais imaginée venant mourir au pied du vitrail, était à plus de cinq lieux de distance, à Balbec-Plage, et, à côté de sa coupole, ce clocher que, parce que j’avais lu qu’il était lui-même une âpre falaise normande où s’amassaient les grains, où tournoyaient les oiseaux, je m’étais toujours représenté comme recevant à sa base la dernière écume des vagues soulevées, il se dressait sur une place où était l’embranchement de deux lignes de tramways, en face d’un café qui portait, écrit en lettres d’or, le mot « Billard » ; il se détachait sur un fond de maisons aux toits desquelles ne se mêlait aucun mât. »
Quand Marcel Proust rédige ces lignes, plus de trois décennies se sont écoulées depuis sa découverte de Cabourg. Au printemps 1881, alors qu’il se dirige vers sa dixième année, se révèlent à lui les premières manifestations d’un mal qui devait infléchir inexorablement le cours de sa vie, un mal qui le poursuivra de ses méfaits jusqu’à son dernier jour. Ces crises d’asthme ont une conséquence immédiate et définitive : source d’allergies, la campagne lui est désormais interdite. Interdit le village beauceron d’Illiers, où ses grands-parents paternels furent épiciers, où il avait pris l’habitude d’aller en vacances chez sa tante. D’Illiers, il fera Combray, véritable microcosme où évolueront ses personnages, la mondaine duchesse de Guermantes, l’esthète Charles Swann, le peintre Elstir, l’écrivain Bergotte ou l’inverti Charlus. Du jour de sa première crise d’étouffement, il ne retournera plus jamais à Illiers, sauf une fois en 1886 pour la succession de sa tante. Quand les ors de la Troisième République se substituent aux fastes impé...
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