« Dansons la Carmagnole… ». Lorsque la Révolution éclate, les bâtiments symbolisant l’Ancien Régime sont des cibles privilégiées, à commencer par la Bastille, rayée de la carte dès 1789. (Gravure d’Ernest Jaime, vers 1834-1837, 21 × 28 cm. The New York Public Library digital collections – digitalcollections.nypl.org)
L’abbaye du mont Saint-Michel doit paradoxalement sa survie à se transformation en prison. (Vers 1860-1865, 8,7 × 17,5 cm. Rijksmuseum d’Amsterdam – www.rijksmuseum.nl) |
De nos jours, beaucoup pensent que la notion de préservation des biens culturels, et plus précisément du patrimoine bâti, est une évidence. Or, il n'en est rien. Ce fut, et c'est encore, une lutte complexe à la fois politique et économique qui trouve son origine, en France, à l'époque de la Révolution.
Sous l'Ancien Régime, la notion de préservation des monuments en tant qu’œuvres d'art et grands témoins du savoir-faire des anciens est quasiment inexistante. Certes, quelques esthètes, quelques intellectuels de la Renaissance ont pu parfois s'émouvoir de telle ou telle destruction, mais l'affaire demeure plutôt anecdotique : en Italie, le peintre Raphaël, dans une lettre qu'il adresse au pape Léon X en 1519, s'émeut du pillage systématique des vestiges de la Rome antique, et le prie d'agir, sans grand succès. Partout on rase les bâtiments pour en construire de nouveaux, plus au goût du jour, on récupère les pierres pour un autre usage, et cela ne dérange pas grand monde. Cependant, les Italiens ont la réputation justifiée de respecter leur passé plus que leurs voisins.
En France, il faut attendre les grands bouleversements de la Révolution pour que l'idée de conservation commence à prendre forme. Et pas du tout dans la vision que nous en avons aujourd'hui. En effet, l'abolition de la puissance et des privilèges du clergé a tout de suite posé un vrai problème : que faire des édifices cultuels et de tout ce qu'ils renferment ? C'est le décret des 2 et 4 novembre 1789 de l'Assemblée nationale toute nouvelle qui répond à cette question, en mettant tous les biens de l’église « à la disposition de la Nation », de même que les terrains, les objets d'art, les tableaux, les statues, les bibliothèques et même les objets scientifiques. En fait, cela implique essentiellement de réaffecter les bâtiments à des fonctions civiles : c'est ainsi qu'en Normandie, le mont Saint-Michel a été transformé en prison. Beaucoup sont ainsi sauvés, mais cela im...
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DOSSIER « Préservation du patrimoine en Normandie » (14 pages) :
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