Le viaduc au cœur de la vallée de la Souleuvre (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand).
La vallée de la Souleuvre réunit tous les décors du Bocage Normand, une succession de collines, de près et de prairies entourés de haies touffues se laissaient traverser par de ravissants ruisseaux et rivières, sans oublier les pommiers et les vaches normandes. Dans cette campagne verdoyante à souhait, de nombreuses couleurs printanières s'harmonisent jusqu'à la fin de l'été pour virer aux teintes chaudes des bruns, rouges et ocres de l'automne. Un superbe tableau impressionnistes vous est offert sur le fond de tranquillité.
Viaduc de la Souleuvre (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand).
C'est dans cette variation de paysages successifs que le viaduc de la Souleuvre fut construit sur les deux communes de la Ferrière-Harang et de Carville pour les besoins du Chemin de Fer. Par arrêté ministériel datant du 20 août 1881, il était annoncé aux populations du Bocage que le tracé de la ligne ferroviaire reliant Vire, Saint-Lô à Caen, devait franchir la profonde vallée de la Souleuvre au moyen d'un viaduc métallique, entre les villages de la Guérinière (côté Carville) et du Bosq (côté de la Ferrière-Harang), Caen allait maintenant être relié à Granville (132km), via Vire, en... 4h. Cette ligne se confondait avec celle de Cherbourg, puis tournait au sud-ouest en remontant la vallée de l'Odon. Elle desservait tout d'abord le sud-ouest de la plaine de Caen, puis le Bocage Virois. La ligne de chemin de fer fut ouverte le 12 novembre 1893 au grand bonheur de la population. Le viaduc fut édifié selon les procédés utilisés par Gustave Eiffel pour la fameuse Tour, il avait une longueur totale de 364,20 m, pour une hauteur de 62,50 m et reposait sur 5 piles en maçonnerie brute, avec parement en moellons à bossage. Les hauteurs de ces piles imposantes, varient de 26 à 60 m, la base est de 18 m sur 8 et le sommet de 7 m sur 4. Les pierres de taille, 350 kg de granit chacune, 14 000 m² au total, ont été tiré des carrières de granit de la région de Vire et le sable nécessaire au mortier provient des Iles Chausey.
Le viaduc de la Souleuvre avant la destruction du tablier (DR).
L'entrée du viaduc de la Souleuvre (DR).
Le viaduc pendant la Guerre de 1939 à 1945
Avant la guerre, quinze trains par jour empruntaient ce pont. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands utilisèrent la ligne. Ils faisaient monter les Français dans les trains pour limiter les risques de sabotages. L'occupant avait élu domicile dans le Bocage bas-normand, notamment dans la propriété du Maire de Carville, Monsieur de Guerpel, transformée en véritable dépôt de munitions. Les Alliés cherchèrent en vain à détruire le viaduc avec leur aviation en 1944, il réussirent seulement à endommager partiellement le tablier, plus de 500 bombes tombèrent toutes à côté. A compter du 28 août 1944, la voie ferrée fut remise en état par les américains et un trafic intense s'établit sur la ligne. La paix revenue et la SNCF estimant que la solidité de l'ouvrage n'était pas menacée, de lourds convois continuèrent à y circuler jusqu'en 1960, dernier passage d'un train sur la ligne du viaduc. Un rapport des ponts et chaussés laissa entendre l'effondrement probable du viaduc en raison de son manque d'entretien et séquelles du bombardement allié. Sa remise en état eût été trop onéreuse.
Pile du Viaduc (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand).
Le viaduc en danger, la lutte pour sa survie
Le viaduc sortait victorieux de la guerre mais commençait à souffrir de la concurrence de l'automobile et des autocars. Le 12 novembre 1954, un arrêté ministériel déclassa la section centrale de la ligne et ne conserva que le trafic de marchandise. Début octobre 1960, le dernier train passait sur la ligne. Le 13 février 1964, on décréta le classement de la ligne. Un comité de soutien fut crée pour conserver le viaduc. Plus de 6 000 signatures furent collectées, la presse et les habitants de la région poussèrent le cri d'alerte. Une délégation, conduite par le maire de Malloué s'était rendu à Paris pour demander son recours en grâce. Tous les moyens furent utilisés, émissions radiophoniques (France inter, Europe 1), intervention dans France Presse, manifestation de 25 000 personnes le 24 avril 1970. Mais la décision fut irrévocable, il fut mise en vente pour 5000 F à Monsieur de Chometon. Le 13 juin 1970 des charges de dynamite furent posées et le tablier s'affaissa dans un formidable bruit d'explosion. Pendant 19 ans la vallée de la Souleuvre vécut dans le calme. Depuis 1990, une société de saut à l'élastique s'est installé dans la vallée afin de lui redonner vie, et faire découvrir sa beauté, après avoir été longtemps oubliée et abandonnée.
Saut à l'élastique au viaduc de la Souleuvre (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand).
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