Si vous dis « conquête »…
En Normandie, vous me parlerez à coup sûr d’Angleterre et d’un certain duc de Normandie, prénommé Guillaume, qui traversa la Manche au début de l’automne 1066 pour s’en aller batailler sur la colline de Senlac, à quelques kilomètres au nord de la ville côtière d’Hastings. Quoi de plus légitime d’ailleurs, alors que juste après le millénaire de Caen (2025) nous foncerons à longues enjambées vers un autre millénaire, celui de la naissance du même Guillaume (2027), à Falaise. Dans cette ville où il vit le jour, honneur suprême, il eut même le droit au XIXe siècle à sa monumentale statue, dans la grande veine de l’art épique et romantique propre à ce temps, avec cheval cabré trépignant d’emporter son cavalier au combat.
Les exploits de ce personnage hors norme ont quelque peu occulté ceux d’autres Normands, partis à peu près à la même époque, en direction du sud de l’Europe pour leur part. Tout le monde n’apprécie pas forcément la brume, la pluie, la boue et les frimas de l’hiver sur les rives de la Tamise ! Sous le chaud soleil des Pouilles, de Calabre et de Sicile, ils dégainèrent leurs épées et se taillèrent à coups de lames un royaume aux dépens des Lombards, des Byzantins et des Arabes.
Parmi les différents acteurs de cette épopée, les membres d’une fratrie se sont particulièrement illustrés, les Hauteville. Dans leur bourg originel de Hauteville-la-Guichard, dans le Cotentin, point de statue majestueuse à la mode d’antan pour leur rendre hommage, mais un petit musée aux collections limitées. Pour trouver une célébration digne de ces gaillards, il nous faut gagner la cathédrale de Coutances et contempler ses hauteurs, afin d’apercevoir des représentations des Guillaume Bras-de-Fer (quel surnom), Drogon, Onfroi, Robert Guiscard et autres Grand Comte Roger. Un autre hommage de taille leur a été réservé au château médiéval de Pirou, où une longue et belle broderie éponyme raconte leurs agissements par l’image.
C’est à leur histoire que nous avons décidé de consacrer notre dossier de ce trimestre. Partis pauvres et solitaires, ils devinrent en quelques décennies les seuls maîtres du jeu dans toute l’Italie méridionale. Leur réputation fut telle que l’on grava sur la tombe de l’un d’entre eux qu’il était la terror mundi, la « terreur du monde ». Alors, en route pour des terres gorgées de lumière, resplendissantes dans l’écrin de la grande bleue, et place à l’Aventure, celle qui ne s’écrit qu’avec un A majuscule.
Bonne lecture.
Stéphane William Gondoin et la rédaction