Meurtre de Thomas. Peinture du XIXe siècle (par Bellerose), sur un mur du transept sud de la cathédrale de Bayeux. (Photo Rodolphe Corbin © Patrimoine Normand)
Cathédrale de Cantorbéry. Thomas Becket a été assassiné à cet endroit précis. (Photo Thierry Georges Leprévost © Patrimoine Normand) |
Le 29 décembre 1170, en sa cathédrale de Cantorbéry, Thomas Becket tombe sous les coups de ses assassins. La fin tragique du primat d’Angleterre a été racontée par un chroniqueur du XIIe siècle, Guernes de Pont-Sainte-Maxence. La Vie de Saint-Thomas le Martyr se révèle riche d’enseignements historiques.
Souvent, les chroniqueurs médiévaux écrivent des dizaines d'années, voire plusieurs générations, après les événements qu'ils couchent sur le parchemin. C'est par exemple le cas de Wace, de Benoît de Sainte-Maure, ou plus encore de Dudon de Saint-Quentin, qui récrivent, interprètent, développent et amplifient l'œuvre d'un prédécesseur. Leurs textes ne sont pas dénués de qualités littéraires, loin de là ! Relisons chez Dudon l'épisode de l'hommage de Rollon à Charles le Simple, chez Wace sa narration de la bataille de Hastings, ou chez Benoît ses envolées lyriques sur les amours de Robert et Herlève pour nous en convaincre ! Mais l'historien doit faire la part des choses pour établir la réalité des événements, lire entre les lignes ou au contraire écarter tel ou tel passage peu crédible, même s'il le séduit par sa poésie. Presque tous des religieux, ces chroniqueurs sont toujours au service d'un seigneur, duc ou roi, ou les deux en ce qui concerne la Normandie d'avant 1204 ; des panégyristes avant tout. Et si, souvent, Ordéric Vital ose se laisser aller à d'acerbes critiques du règne de Guillaume le Conquérant, il s'y livre longtemps après la disparition de l'intéressé.
Rien de tel chez Guernes. Ce poète picard contemporain de Becket, s'avère un fidèle témoin de son temps, fier de ses origines et de sa langue qui, contrairement à Wace, n'est pas l'anglo-normand : Mon langage est bon, car je suis né en France, proclame-t-il. En lui, le journaliste n'est jamais bien loin, si tant est qu'on puisse tenter la comparaison avec un mode d'expression qui en son siècle reste à inventer. Il puise ses informations aux sources les plus sûres. Deux ans après le meurtre, il vit dans la capitale du Kent, où il recueille les confidences d'une abbesse sœur de la victime, ainsi que les témoignages des moines et du prieur de l'abbaye. Il a rencontré d'autres biographes du martyr (et ils furent nombreux, car le crime a été largement narré et commenté), et il a assisté aux multiples pèlerinages suscités par sa disparition. Enfin, il connaissait l'archevêque avant son ascension sociale, et l'avait approché en Normandie quand Thomas était chancelier de Henri II Plantagenêt :
En Normandie, le roi avait besoin de lui,
Et contre les Français, plusieurs fois je le vis.
Nul doute que ces épisodes l'aient marqué : Guernes ne l'était-il pas, français ?! Et Dieu sait comme il a eu l'occasion d'assister à des différends entre son pays et celui de son seigneur et maî...
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